La Chinoise (7)
Hier, j'ai décidé qu'on ne se verrait plus. Je suis de plus en plus occupé et n'ai plus beaucoup de temps pour elle. Je ne lui avais rien dit jusqu'à hier, parce que si je lui aurais dit ça plus tôt, ça nous aurait plongé dans un atmosphère d'enterrement tout le long. Du coup, c'est tombé comme ça, brutalement. Sans qu'elle ne puisse donner son avis ni rien. Elle a tellement peur de s'imposer ou de donner son opinion. Je lui avais déjà dit qu'il fallait savoir dire non, qu'elle ne devait pas avoir peur de donner son avis, qu'il suffisait d'avoir des arguments. C'est plus franc, on n'est pas nécessairement toujours d'accord avec les autres et on n'a pas à subir leurs choix.
En fait, ce départ est un peu prématuré. Lorsque je rentrais chez moi, je la croisais tous les jours en train de se tourner les pouces rue Buissonnière, chemin que j'empruntais pour rentrer chez moi. Elle me disait qu'elle était ici pour voir une amie, mais je savais très bien que c'était faux. C'est justement cet attachement, cette sorte de rituel qui me faisait peur. Le fait qu'elle vienne me voir chaque jour à 17 heure précise, heure à laquelle je terminais de donner mon cours particulier. Ce qui m'ennuyait en la quittant, c'est que cette rue Buissonnière, qui était en quelque sorte son dernier refuge où elle pouvait oublier toutes ses querelles familiales, allait se transformer en un endroit qui lourds en souvenirs ; et les souvenirs, même bons, sont toujours très amers.
Hier soir, il commençait à se faire tard, j'étais fatigué et elle aussi. Alors je lui ai suggéré de rentrer. Abattue ou fataliste, elle m'a répondu : oui. Elle avait l'air un peu triste, mais elle a toujours l'air triste quand on se quitte. Alors que je commençais à rentrer, elle s'est soudainement ressaisie. Pour la première fois, elle m'a répondu un truc de façon un peu rebelle : Non ! Je me suis rendu compte que pendant tout ce temps, cette fille s'était construite à travers moi. Sa manière de réfléchir, sa façon de parler, son humour etc. Ce n'était pas juste une fille qui m'aimait, c'était une fille qui me ressemblait.
On a un peu discuté encore, puis nous sommes rentrés. J'ai marché sans me retourner, sans essayer d'imaginer ce qu'elle ressentait ni rien. Et pourtant aujourd'hui, je vous raconte cette histoire.
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