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Tching Tchang Tchong
19 septembre 2009

Marseille 1

N'existe-t-il pas de personnages plus contradictoires que ces Parisiens ? On envie leur ville, leur style de vie ; mais ne les détestons nous pas aussi pour ces mêmes qualités ? Ils ont une existence à la fois riche et délabrée, ce contraste est d'autant plus vivifié lorsque ces boulevardiers en banlieue, ou inversement. Le réseau express régional qui relie la monotonie de la petite et de la grande couronne à la capitale symbolise lugubrement le pont entre deux univers parfaitement antagoniques. Le RER B est probablement la ligne la plus sinistre de la métropole. Non pas uniquement parce qu'elle est vétuste et mal lunée, non pas seulement parce que ses trains joignent les régions maussades au coeur frétillant de Paris mais c'est aussi aussi et surtout parce qu'elle transporte les âmes défuntes de la banlieue pauvre vers ce tourbillon de vie parisien. Dans les wagons y règnent une atmosphère étouffante presque malsaine ; le silence souffreteux qui entoure ces esprits exténués par le labeur s'accompagne du tintamarre métallique des rails. En dépit de ce déconfort, les gens sont attachés à cette ambiance engourdie. Il leur est presque pénible de quitter ces sièges chauds et humides. Quand les portes s'ouvrent, cet air frais se transforme en zéphyr glacial ; malgré le déplaisir de devoir quitter ces misérables wagons, cette masse humaine s'engouffre inconsciemment vers l'extérieur. Ces banlieusards débarquent brutalement au pont Saint-Michel, jettent un regard hâtif mais rêveur sur la Seine mugissante, ce fleuve qui répète chaque soir les lumières de Paris, quintessence de la vie parisienne qui sera peu à peu distillée--si vous venez de la banlieue--ou condensée--si vous venez de Paris--par la routine du travail. Vivre à Paris, c'est ressentir en permanence une forme de tristesse dans la gaieté parisienne ; quitter cette métropole n'est-ce pas commencer à entrevoir une forme de gaieté dans la tristesse ? Si aujourd'hui j'éprouve quelques remords à quitter Paris, je saurai embellir Marseille.
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